Je vous ai déjà parlé du blog télé de télérama ?
Le principe : tous les rédacteurs télé de Télérama doivent tenir un blog pendant une semaine, chacun son tour.
Vous savez ce sont les mêmes rédacteurs qui écrivent les petits commentaires de "la nouvelle star", de "dolmen", ou encore "de la soupe au choux". C'est donc très souvent extrèment drôle et incisif, ironique toujours, et un peu prise de tête quelque fois.
Ceci étant. Voici un exemple (ça résume ma pensée sur le match de dimanche)
C'est un peu long, c'est vrai, mai si vous allez jusqu'au bout, il y a une ou deux phrases qui ne sont pas mouchés du genou.
La pelle du 18 juin
Pour tout dire, je n'aime pas le foot. La première fois que j'ai touché un ballon, c'était par mégarde. Je m'étais offert une seconde de répit en plein match, pas grand-chose, juste le temps d'un micro-bâillement - c'est fatiguant, une récré - , quand un camarade m'a fait une passe appuyée, reçue en plein visage.
J'ai saigné du nez ; on a jugé plus prudent de me confier le poste de goal. Sauf que je me suis vite senti trop à l'étroit dans les cages – mon côté claustrophobe - , et n'ai jamais réussi à arrêter un but (je fermais les yeux pour les penalties). Du coup, j'ai fini par jouer défenseur, d'une façon discrète, mais appliquée. Je commentais la trajectoire du ballon, analysais chaque dribble, donnais des conseils aux attaquants sur la manière d'optimiser leurs petits ponts ou leurs reprises de volée, et parfois seulement, je me permettais de murmurer « Hep, j'suis là, vas-y, passe, hep, j'suis là » avec autant de résultats que si j'avais prêché dans le désert.
Tout le monde était tombé d'accord: j'étais nul. J'avais beau leur expliquer que dans d'autres disciplines – le jokary, notamment – j'avais jadis commis quelque exploit (une deuxième place au championnat départemental de la Nièvre), personne ne jugeait souhaitable que je poursuive dans le football. A moins de m'exiler six mois dans les favelas pour un stage intensif, ce que j'ai sérieusement envisagé, une heure ou deux.
D'après mon psychanalyste, ce traumatisme justifie mon actuelle frilosité par rapport au Mondial. Mes congénères, eux, se gobergent du moindre match. On leur servirait un Lesotho-Vatican ou un Bangladesh-Ile de Pâques qu'ils seraient tout aussi nombreux dans les bistrots, à s'époumoner dès que le ballon frôle les filets. M6 en sait quelque chose: jeudi dernier, son Angleterre-Trinité-Tobago a rassemblé 4,1 millions de téléspectateurs, soit la plus grosse audience de la chaîne à cet horaire depuis sa création, il y a 19 ans. C'est fou: des années à inventer des programmes, à acheter des séries, à commander des audits, à conceptualiser des émissions en direct, des talk-shows, des jeux, pour un résultat qui n'arrivera jamais à la cheville du protège-tibia d'une modeste rencontre (avec un Erythrée-Wallis et Futuna, M6 explose le meilleur Navarro).
J'ai fait un effort pour regarder les Bleus, essayant de vaincre mon traumatisme tel un vétéran du Vietnam qui commanderait des nems. J'avais le choix entre France-Corée du sud sur TF1 ou France Boutique sur la deux. J'ai vite opté pour la première solution, sachant que France boutique n'était que de degré 3 sur l'échelle de l'intérêt bloguesque (EIB*), et que le bar dans lequel j'étais attablé avait pris la décision pour moi.
*EIB: échelle d'intérêt bloguesque, estimation du potentiel attractif du post tiré du programme télévisé choisi. Va de 1 pour « Le mystère des fougères boréales (ou « adiantum pedatum ») dans les Basses Laurentides » (Arte), à 10 pour « Dolmen » (TF1).
Donc l'équipe de France est entrée sur le terrain, pas « tendue » mais « concentrée », a rectifié Domenech. Tellement qu'en neuf minutes, c'était plié: Thierry Henry marquait le premier but français en Coupe du monde depuis celui d'Emmanuel Petit, en juillet 1998. Il paraît que marquer un but tous les huit ans n'empêche pas la France d'être considérée comme l'une des équipes favorites, tant mieux. N'empêche qu'il fallait voir l'ambiance après le but de Titi, ça hurlait partout, aux fenêtres des immeubles, aux vitres des voitures. Finalement, j'avais bien fait d'enfiler mon maillot Franck Ribéry plutôt que mon débardeur « Dance with Pierre Boulez ». Les habitués du bistrot m'ont pris dans leurs bras et m'ont fait partager leur haleine chargée d'alcool et de liesse. « On va les moudre, on va en faire de la chiCorée! », m'a crié un type dans l'oreille. On était tellement sûrs de nous qu'on n'a même pas ergoté sur le but de Viera que l'arbitre n'a pas vu, parce qu'on allait en mettre plein d'autres, des lobés, des retournés, des enveloppés, des «en pleine lucarne »...
Quoique.
Nous avions deux atouts pour gagner: Malouda s'était remis de ses hémorroïdes et Stéphane Guivarc'h ne jouait plus dans l'équipe depuis longtemps. En plus, Domenech a fait entrer Ribéry, avec sa gueule à récolter un premier rôle dans un film de Bruno Dumont. Mais rien à faire, les Coréens ont pris le dessus lors de la seconde mi-temps, bondissant, dribblant, attaquant. Le match se mit à ressembler à une pub: Gurosan contre Lexomil. On a commencé à s'inquiéter.
« Barthez a fait un signe, il a besoin d'une assistance médicale, affirme Larqué.
Non, c'est de l'eau qu'il demande », rectifie Wenger*.
*Le consultant Arsen Wenger, entraîneur d'Arsenal, parle peu et tout bas. Il paraît qu'à TF1, les ingénieurs du son confient la gestion de son micro à des stagiaires pour les bizuter. Pourtant ses prises de parole, lorsqu'elles sont audibles, sont souvent les plus pertinentes du match.
Et on a pris un but, un beau, manqué par Barthez (« Dès que je vois Barthez, j'ai envie d'un Big Mac », m'a confié mon voisin), puis par Gallas qui a vu la balle pénétrer la cage, a voulu l'arrêter avec les mains puis avec les pieds, et a finalement improvisé une drôle de chorégraphie disco-zouk avant d'exécuter un shoot colérique qui sonnait la débâcle.
Les Coréens n'ont pas été mauvais, il faut le reconnaître. Déguisés en diablotins, leurs supporters chantaient l'hymne à la joie de Beethoven, ce qui me plaisait davantage que les « Arbitre, on t'enc... » que j'entendais fuser à droite et à gauche. Je me souviens du nauséabond « Rien ne ressemble plus à un Coréen qu'un autre Coréen » de Thierry Roland. Je n'étais pas mécontent qu'il ait filé sur M6, celui-là. C'était le coup d'envoi des transferts entre les deux chaînes (Castaldi, Lapix, ...). Symboliquement, il n'y a rien d'innocent à ce qu'un commentateur de foot ait inauguré le grand mercato cathodique actuel.
La fin du match approchait. Il ne restait plus qu'une solution: demander à Gérald Dahan d'imiter Jacques Chirac ou Dove Attia pour demander à Domenech de faire entrer Pascal Chimbonda. Ce qui n'a pas eu lieu.
Pour ceux qui ont regardé France Boutique, sachez que la chose s'est finie par un match nul. Oui, je sais, c'est dur: il faut s'habituer à ce que la France ne gagne plus. Qu'elle se fasse écraser à chaque fois, comme dans Jeux sans frontières, présenté par Fabrice, il y a quinze ans (où même la petite république de San Marin nous battait).
Pour ceux qui ont besoin de se consoler, je vous recommande la météo des plages (très reposant), ou Gertrud, ce soir, sur Arte. Le dernier film de Dreyer sur lequel j'improviserai demain un post deux fois plus long que celui-ci. Pour l'occasion, je rangerai mon maillot Ribéry au placard et porterai ma plus belle chemise (hors du pantalon, cela va de soi).
A dem'
Rédigé par Erwan Desplanques le 19 juin 2006 | Lien permanent | Commentaires (14) | TrackBack (0)
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